> Bonjour. Tout d’abord, présentez-vous un peu.

Pierre Parent, ingénieur en informatique, entrepreneur, Initiateur du Projet Own-Mailbox. A mes heures perdues je joue du piano et de la guitare.

> Comment et quand avez-vous découvert les logiciels libres ?

En 2007, Cyril Bredel, un professeur de l’INSA de Rouen, m’a fait découvrir les logiciels libres. J’ai alors essayé d’installer Ubuntu, j’ai vite abandonné Windows pour toujours. Depuis j’utilise Debian, ainsi que 100% de logiciels libres sur mon ordinateur.

> Comment vous est venu la très bonne idée d’Own-MailBox, et pourquoi ?

Après les révélations de Snowden, j’ai voulu m’intéresser au chiffrement de mails, et commencer à l’utiliser. Mais je me suis rendu comptes de plusieurs problèmes autour de ce chiffrement :

1-En fonction des configurations Gpg peut être très compliqué à installer. (En particulier sur Debian+Kde+Kmail, c’est vraiment une horreur.)
2-Lorsque l’on utilise le chiffrement de mail on perd la possibilité de consulter ses mails de n’importe où, ce qui est très dérangeant.
3-Il est impossible d’envoyer des mails chiffrés à des amis qui n’utilisent pas Gpg. Et c’est précisément à eux que l’on a parfois besoin d’envoyer une info confidentielle.
4-Je me suis rendu compte aussi que pour être fiable le chiffrement doit être fait dans un environnement libre, et que la majorité des gens n’ont pas cela.
Et demander à une personne d’installer Gpg sur Windows ou Mac, c’est potentiellement l’amener à croire que ses mails seront confidentiels, alors qu’en pratique une backdoor dans ces systèmes pourrait très bien faire tomber toute leur cryptographie.

Je me suis rendu compte de ces problèmes à peu près au même moment où je cherchais des idées pour créer une entreprise.

Inspiré également par Annonabox, et Lima l’idée de la Own-Mailbox est progressivement venue, puis s’est consolidée, et est devenue claire et puissante.

> Qu’est-ce qui vous a le plus motivé pour vous impliquer ?

En fait il y a plusieurs aspects à cette question.
Qu’est-ce qui me pousse à participer aux logiciels libres : Pour moi  les logiciels libres sont indispensables pour assurer notre liberté à l’ère du numérique, et garder le contrôle sur nos machines. Et le développement de logiciel libre est une chose qui me parait apporter au bien commun et donc que je pourrai faire gratuitement.

D’autre part mon rêve est de pouvoir travailler librement sur des choses que je juge moi-même bien pour le monde et pour les autres; ou à défaut, à minima obéir à des décisions collectives auxquelles j’aurai moi-même pris part. Ceci n’est bien-sur pas offert par le salaria traditionnel.

Ce rêve me donne donc une énergie incroyable pour tous les jours donner le meilleur de moi-même.

> Comment voyez-vous / souhaitez-vous l’évolution de ce projet ?

Dans l’idéal parvenir à toucher des millions d’utilisateurs, ou en tous les cas avoir un impact réel pour changer le monde vers quelque-chose de plus libre. Il ne sert à rien de faire un projet comme celui-ci, si on a pas quelque-part le rêve de changer le monde.

> Avec le projet de loi sur le renseignement qui est adopté, les révélations d’espionnages, ainsi que la mainmise des GAFA, ce genre d’initiative devient plus que nécessaire, non ? (décentralisation du net, chiffrement des communications, émancipations vis à vis des GAFA).
Le web est devenu très commercial, devient de plus en plus surveillé, censuré, comment voyez-vous son avenir ?

Je n’essaie pas de prédire l’avenir, mais ce que je peux dire c’est que les outils de surveillance et de contrôle des masses deviendraient extrêmement dangereux, dans la cas d’un glissement totalitaire rapide.

> Pensez-vous qu’il y ai un manque de formation, d’information du public sur les sujets du respect de la vie privée, du ciblage publicitaire sur le net, de la sécurité informatique ? Ou est-ce que les gens s’en fichent simplement et sont très bien sur F…book.

En fait ce n’est pas qu’il y ai un manque d’information, dans le sens où les dirigeants et les hommes qui ont le pouvoir d’informer et d’éduquer le publique essaieraient de le faire, en vain, ou avec pas assez de moyens.

Au contraire ces acteurs sont cela même qui souhaitent instaurer la surveillance de masse. A mon avis il ne faut donc pas attendre, des gouvernements, de l’éducation nationale, des grandes télés nationales, qu’ils éduquent le public de manière consistante sur le sujet puisque c’est à 180 degrés de leurs objectifs.

Toute formation et information, ne pourra être faite que par de l’éducation populaire, « peer-to-peer », à la base, à mon avis.

> Le mot de la fin, pour donner envie de rejoindre le mouvement du libre ?

Battons-nous pour la liberté, aussi bien celle derrière un ordinateur, que la liberté politique, et la liberté dans le domaine professionnel ! Un autre monde est possible!