Profil de libriste : Pierre.

indiehosters

> Bonjour, tout d’abord, présentez-vous un peu.

Bonjour, c’est Pierre, co-fondateur de IndieHosters. Avec Michiel de Jong [0], nous avons créé indieHosters il y a 2 mois pour aider les
logiciels libres dans le nuages à toucher le grand public.

[0]: https://michielbdejong.com/

> Comment avez-vous découvert les logiciels libres ? C’était il y a longtemps ?

Ce devait être au lycée, je me rappelle graver des liveCD de
debian/ubuntu pour tester et/ou debugger mon ordi. A cette époque là, je
découvrais le PHP pour faire un site pour mon groupe d’amis (il est
toujours en ligne d’ailleurs, heureusement bien caché dans les fin
fonds du net  ).
J’ai toujours été attiré par cela. Mon principal attrait est le côté
politique de l’action. C’est cela qui m’a toujours fasciné.
En école d’ingé je me suis un peu plus plongé dans ces histoires. J’ai
commencé à découvrir Stallman, Eben Moglen, Benjamin Bayart..
En 2009, je commençai à me rendre compte qu’il y avait un problème sur
facebook, et je rêvais à un réseau social décentralisé[0]!
Mais finalement; personellement, je n’utilisais que très peu de
logiciels libres. Et ce n’est que dernièrement que je me suis rendu compte
qu’il était important de perdre un peu d’usabilité pour gagner en
liberté.

Ainsi depuis quelque mois, je progresse pour utiliser de moins en moins
de services propriétaires dans le nuage. Et c’est une véritable
satisfaction personelle. C’est comme un jeu, dans lequel on progresse
petit à petit. Et a chaque étape, on sait qu’on gagne en liberté!

D’ailleurs, avec des copains à lisbonne, on est en train de développer
un site pour aider les gens dans cette démarche aussi. Le titre est un
peu accrocheur: J’ai quelque chose à cacher [1].

[0]:
http://www.greenit.fr/article/materiel/serveur/sheevaplug-un-mini-serveur-linux-a-moins-de-5-watts
[1] :https://github.com/pierreozoux/ihavesomethingtohi.de

> Qu’est-ce qui vous a plus et qui vous a donné envie de vous impliquer ?

Je suis issu de la classe ouvrière, mon père est électricien et ma
mère secrétaire. Mais pour faire référence à Bourdieu, j’ai eu la
chance d’avoir des parents pour me faire la lecture étant enfant. J’ai
donc eu la chance de pouvoir faire de bonnes études (prépa/école
d’ingénieur). Ainsi, peut-être contrairement à mes petits camarades
d’école d’ingé, il m’était impossible de prétendre appartenir à une
autre classe. Et donc très tôt, dès le lycée, ayant de bons résultats
scolaires, j’avais du mal à m’imaginer travailler pour une
multinationnale. Mais j’avais aussi envie de pouvoir apporter ma pierre
à l’édifice.

Cela m’a pris du temps pour comprendre comment je pourrais me nourrir et
payer mon loyer avec ces idées. Peut-être aussi par manque de modèle
familliaux. Mais il y a deux mois, j’ai décidé de faire le pas!

> D’où vous est venu l’idée de IndieHosters, et pourquoi ?

Je me suis longtemps demandé si ma formation d’ingénieur télécom était
la meilleure pour pouvoir apporter ma pierre à l’édifice. Et il y a
quelques années, je me suis rendu compte que les médias étaient le
meilleur moyen de changer le monde. Et comme Internet est le seul média
indépendant où chacun peut lire et écrire, alors, cette formation était
parfaite!
J’ai longtemps été fasciné par l’autohébergement. Mais il est vrai
que la facilité n’est pas encore au rendez-vous. Ainsi, lorsque j’ai
rencontré Michiel en Juin, il m’a rapidement convaincu avec son idée
d’hébergement indépendant.

Et donc, oui, aujourd’hui, je pense que le meilleur moyen d’aider les
gens est de leur proposer de l’hébergement de logiciel libre.

> L’auto-hébergement est plutôt « en vogue » depuis la fameuse conférence de Benjamin Bayard « Internet libre ou minitel 2.0 » (http://www.fdn.fr/internet-libre-ou-minitel-2.html ). Et avec la très bonne initiative de Framasoft Dégooglisons internet (
http://degooglisons-internet.org/ ), les choses vont avancer encore. Que pensez-vous de tout cela ?

Oui, l’auto-hébergement, et la redécentralisation du net est la seule
solution aujourd’hui pour lutter contre la surveillance de masse. Et c’est important aussi pour nos libertés. Il ne peut y avoir de
democracy sans vie privée. Mais on peut aller plus loin en disant: Il ne peut y avoir de démocracy sans auto-hébergement!

Quelque part, avec IndieHosters, on se classe comme auto-hébergement car notre réseau repose sur la facilité de migration entre ses
hébergeurs. Il est facile de migrer d’un héberger à un autre. Mais demain il sera facile de migrer de son hébergeur vers son serveur à la
maison ou dans le nuage.

C’est peut-être pas de l’auto-hébergement pur et dur, mais c’est sur le
chemin. Une action en devenir pour nos utilisateurs.

> Et comment voyez-vous l’avenir d’internet ?

Je suis un utopiste et optimiste, sinon, j’arrèterai tout de suite et YOLO

Au delà d’Internet, la philosphie du libre est en train de faire du
chemin dans notre société. Le numérique, dans toutes ces formes, est en
train de conquérir le monde, dans tous les domaines. Le modèle vertueux
de l’open source et aussi du libre contamine tout ce qu’il touche (même
sans licences héréditaires  ).
Je pense que même nos chèrs dirigeants commencent à comprendre. Les
gens aussi, et même si ce n’est pas encore parfait, il y a une prise de
conscience. Les mentalités évoluent, les usages aussi. Cela ne veut pas
dire qu’il faut relacher les efforts, mais on est sur la bonne voie.
Aujourd’hui, on peut vivre de ces activités, donc j’espère que des gens
quitteront leur emploi pour venir travailler avec nous!

> Avez-vous d’autres projets pour l’avenir ?

Je vais d’abord me concentrer sur IndieHosters. Je pense que c’est
important et il y a beaucoup de travail. Ensuite, il y a deux choses qui me fascinent.
Premièrement, reprendre le contrôle sur les algorythmes de
recommendation et de classement de l’information. (si vous avez loupé,
je vous recommande ce document sur la politique de l’algorythme[0])
Un outils pour gérer ses flux d’informations entrants, mails, rss,
twitter… et les ordonner. Plus de détails sur GitHub [1].
Ensuite, il y a la bataille du Quatified Self. Quelque part, on a
presque perdu la bataille du réseau social, mais il ne faudrait pas
perdre celle du soi quantifié. Il faut savoir que ces montres
connectés, c’est une saloperie, car elles se connectent à des serveurs
d’entreprises privées! Il faut qu’on développe des alternatives libres
avant que le grand public les adoptent, c’est trop important. Mais
c’est déjà presque trop tard… Si vous ne connaissez pas déjà, je vous
recommande bitalino [2], un arduino pour les signaux corporels. Ils
sont les seuls à ma connaissance à offrir un serveur libre.

[0]:
http://www.franceculture.fr/emission-place-de-la-toile-politique-de-l-algorithme-2014-05-10
[1]:
https://github.com/pierreozoux/ideas/blob/gh-pages/README.md#information-management
[2]: http://www.bitalino.com/

> Le mot de la fin, pour donner envie de rejoindre le mouvement du libre, et de l’auto-hébergement ?

Il ne peut y avoir d’auto-hébergement sans libre, et donc
Il ne peut y avoir de démocracy sans libre

> Merci beaucoup d’avoir accepté de répondre à cette petite interview.

Merci à toi!