Je pense qu’Ubuntu se rapproche beaucoup trop du monde propriétaire. De plus en plus. Que ce soit pour des drivers, des plugins pour le web, ou des outils pour cohabiter / copier le monde propriétaire (voir l’Ubuntu sofwtare store, ou également le rapprochement de Canonical avec Amazon dont on entend parler).
Son succès a été fulgurant, et elle est devenu la distribution la plus connue et la plus utilisée en très peu de temps.
A peine arrivée sur le « marché » des distributions, elle écarte toutes les autres ou presque, et se retrouve même vendue pré-installée sur les ordinateurs de grandes sociétés. Et pourquoi n’y en a-t-il pas d’autres dans ce cas, des distributions plus anciennes ? L’argent de son créateur est sûrement pour beaucoup dans le succès planétaire de cette distribution, même si je ne conteste absolument pas les qualités et la stabilité de cette distribution.
Mais il y a la un « pacte avec le diable », à mon avis, qui est préjudiciable au mouvement du libre. A trop vouloir réussir (en terme d’utilisateurs mais aussi de bénéfices), en copiant le propriétaire, on en oublie les bases, et les bases, ici, c’est le libre.
Il faut pouvoir se libérer des outils propriétaires, complètement, en oeuvrant pour la création et le soutient d’alternatives libres, intéropérables, basés sur des standards libres et ouverts.
Et non copier et se rapprocher de ce qui nous alliennent.
Le monde du libre est là pour nous libérer de la main-mise de certaines multi-nationale, pour permettre un accès moins onéreux à l’outil indispensable qu’est l’informatique aujourd’hui, et pour que l’on puisse contrôler ce que notre ordinateur fait.
Il ne faut surtout pas gâcher cela, c’est trop important.
Tu écris : « A trop vouloir réussir (en terme d’utilisateurs mais aussi de bénéfices), en copiant le propriétaire, on en oublie les bases, et les bases, ici, c’est le libre. »
Euh, Ubuntu est libre autant qu’il est possible de l’être tout en fournissant une distro qui fonctionne.
Du coup, on trouve des distros qui sont elles 100% libres (GnewSense http://www.gnewsense.org/ , par exemple, ou Gobuntu http://doc.ubuntu-fr.org/gobuntu ), qui vont – malheureusement – moins bien fonctionner car dépourvues de pilotes vidéo, réseau et Wifi fonctionnant correctement.
L’approche d’Ubuntu est pragmatique : la Liberté du code est l’objectif à atteindre, mais sans un grand nombre d’utilisateurs, elle ne sert pas à grand chose. Donc il vaut mieux faire des compromis (qu’on espere tous temporaires) pour faire évoluer l’industrie informatique dans la bonne direction. Et cette évolution ne sera possible que si on a une masse critique d’utilisateurs.
Faisons un parallèle avec le monde des navigateurs Web, que je connais bien. Tant que Mozilla et Opera n’avaient que quelques millions d’utilisateurs, personne ne se souciaient d’eux. Microsoft avait démantelé l’éuipe de dev d’Internet Explorer et le Web stagnait, la faute à un IE6 stagnant.
C’est quand Firefox est arrivé, en gagnant des parts de marché massivement (330 millions d’utilisateurs actifs en Octobre) que Microsoft a senti la pression concurrentielle et s’est remis à faire des navigateurs : IE7 puis IE8 et dans un an IE9.
Pour Linux sur le poste de travail, c’est pareil. Si on veut que l’industrie soutienne Linux, il faut des centaines de millions d’utilisateurs. Et ça passe par un système qui s’installe facilement, qui soit compatible avec le matériel que les gens achètent. Et le prix à payer pour ça (c’est regrettable mais c’est ainsi), c’est d’utiliser – temporairement – un système qui ne soit pas 100% Libre, à cause des pilotes.
Je suis tout à fait d’accord qu’il faille de nombreux utilisateurs pour que les choses avancent et évoluent, et Firefox est un très bon exemple.
Ce qui me pose problème, c’est que je ne suis pas sûr qu’Ubuntu vise réellement le « tout libre ». En faisant des choses comme l’Ubuntu software center, il entre en plein dans le modèle Apple et Microsoft, c’est à dire le modèle propriétaire, qu’il semble vouloir copier pour d’autres choses encore.
Je pense que le monde du libre ne prend pas vraiment la bonne direction à ce niveau, en mettant Ubuntu tellement en avant, vis à vis d’autres distros, qui elles, sont totalement libres (gNewSense est une bonne distro, qui marche vraiment bien).
Il faut éviter ces compromis avec le monde propriétaire, qui ne mèneront à rien de bon pour le libre, du moins, c’est mon avis 😉
Où en serait le logiciel libre si Richard Stallman avait refusé d’utiliser un système Unix propriétaire pour développer son pilote pour l’imprimante Laser Xerox, gcc et les outils GNU ?
L’analogie n’est pas parfaite car aujourd’hui on dispose de quoi faire fonctionner une machine avec uniquement du libre, ce qui n’était pas le cas a l’époque.
Il n’en reste pas moins qu’un bon nombre de technologies qui nous entourent sont fermées : le matériel (avec des drivers libres ou non), certains formats de fichiers, etc…
Le rejet n’est pas la meilleure méthode pour avancer, cela met le logiciel libre a l’écart. Si le monde du libre et du propriétaire sont totalement séparés alors les éditeurs de solutions fermés n’auront plus de soucis a se faire et pourront continuer avec leur modèle de développement.
Je suis peut-être un peu extrême dans mes propos, je reconnaît qu’il ne faut pas complètement se séparer du monde propriétaire. Ce que je reproche à Ubuntu et d’autres, c’est de trop se rapprocher de ce monde là. Il faudrait, petit à petit, s’en éloigner un peu, le monde du libre en à plus ou moins les moyens maintenant. Et ce n’est pas la volonté qu’a l’air d’afficher Canonical, rien qu’avec l’Ubuntu Store. C’est cela que je critique.
Je suis actuellement en train de livre le livre de Richard Stallman (acheté avec la signature de l’auteur 😉 en anglais). J’avoue ne pas tout comprendre, mon anglais n’est pas suffisant. Mais je viens de tomber sur un passage tout à fait en rapport avec mes propos.
Voici un extrait qui confirme mon point de vue, en anglais :
« Adding non-free software to the GNU/Linux system may increase the popularity, if by popularity we mean the number of people using some of GNU/Linux in combination with non-free software. But at the same time, it implicitely encourages the community to accept non-free software as a good thing, and forget the goal of freedom. »
A trop cohabiter avec le monde propriétaire, comme le fait de plus en plus Ubuntu, et d’autres, on risque d’oublier le but et les bases de tout ceci : le projet GNU. Que du libre, rien que du libre, pour que l’on est la liberté et le contrôle total de notre informatique.
C’est la que je diverge par rapport a Stallman. Pour lui on doit utiliser des logiciels libres parce qu’ils sont libres, et si on proposait des alternatives propriétaires aux programmes libres, il pense que les gens utiliseraient la version propriétaire.
Au final, ça ne donne pas une très bonne image du logiciel libre: « Je n’utilise pas ce logiciel libre parce qu’il est bon mais parce qu’il est libre ».
De mon coté, j’utilise des logiciels libres parce que je les pense meilleurs que leurs alternatives propriétaires. La différence est subtile, ils sont meilleurs justement parce qu’ils sont libres et que ce modèle de développement permet d’aboutir a d’excellent produits.
C’est le point principal qui différencie les termes Open Source et Logiciel Libre, l’Open Source croit en la supériorité de son modèle de développement alors que le libre ne cherche qu’à défendre une idéologie, parfois au détriment de la qualité du produit. Les gens se revendiquant « Open Source » sont au final moins sur la défensive par rapport aux logiciels propriétaire et je préfère ce mode de pensée. Je préfère être « pour » quelque chose que « contre » son opposé.