Profil de libriste, 2.

Nouvel interview, merci beaucoup 😉

 

> Bonjour, Tout d’abord, présentez-vous un peu.

Je suis bénévole pour l’association accelibreinfo, dont je suis fondateur, et utilise GNU/Linux depuis 2004 malgré mon handicap visuel. Je fais aussi partie du groupe liberte0 et d’Accessibilité et logiciels libres de l’April depuis 2010. Avant (et encore aujourd’hui) je suis président de Traduc.Org et coordinateur francophone du projet Linux From Scratch. Et enfin modérateur/administrateur du forum absolinux. à coté je fais de petites taches de packaging pour Debian.

> Comment avez-vous découvert les logiciels libres ? C’était il y a longtemps ? Qu’est-ce qui vous a plus et qui vous a donné envie de participer ? (valeur éthique, technique, gratuité)

Le bouche à l’oreille était la seule solution en 2004. Au début j’ai opté pour Linux, parce que gratuit et j’avais besoin d’un logiciel pour lire mon ordinateur qui ne m’obligeât pas à payer 2000 euros à l’achat. Du coup, alliant utile et passion de l’info, j’ai plongé.
4 ans plus tard les interfaces graphiques sont devenues accessibles aux aveugles et j’ai donc développé un axe de militantisme qui m’a ouvert l’horizon communautaire car j’ai immédiatement perçu les enjeux éthiques d’une telle réussite technique. Parallèlement, entendant parler de Richard Stallman sur la radio, j’ai eu brusquement la peur du vide après lui. C’est ce qui m’a poussé à mon premier pas communataire: Traduc.org, avant d’enchainer RMLL, conférences, l’April, accelibreinfo, et tout le reste. On devient vite débordé dans le monde libre.

> Comment vous êtes vous impliqué dans le libre ? (création d’un projet, implication dans un projet, diffusion d’information…)

J’ai allié ma compétence « gestion » « animation » à mes bribes d’informatique. En creusant le tout, allié à une formation politique et historique, j’ai pris la tête d’associations, j’ai privilégié mes points forts (traduction, formation, service, aide aux utilisateurs moins proches que les libristes de l’informatique). D’où Traduc.org, absolinux et accelibreinfo.

> Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Je pense pousser l’action accessibilité au maximale. D’abord à travers des projets bibliographiques, ensuite en amenant accelibreinfo a financer du développement de technologies d’accessibilité libres. Rien que le projet bibliographique et de promotion ou de développement, autour de liberte0 et d’accelibreinfo, devrait prendre 80% du temps. Mais je ne lacherai pas Linux From Scratch non plus, car c’est mon projet de coeur et c’est une mine de veille informatique pour moi, voire de recherche & développement.

> Que pensez-vous de la communauté du logiciel libre, et de son évolution. (communauté qui fête actuellement ses 30 ans)

Je pense qu’elle est riche, mais a besoin d’évoluer avec le monde actuel. Typiquement, renvoyer les utilisateurs de logiciels libres au manuel, leur dire « apprenez-vous à vous débrouiller », je ne trouve pas ça réaliste pour tous. Il y a des gens qu’il faut accompagner, sans quoi leur liberté restera théorique. Et c’est cet accompagnement d’ailleurs qui aboutira à une économie du libre: les gens peuvent payer pour du libre mais beaucoup préfèrent payer pour du privateur si le libre, gratuit ou pas, ne satisfait pas leurs besoins. Pour moi le libre doit proposer toujours un truc crédible, bien que différent, pour un usage social actuel. Car rejeter un usage social, c’est rebuter du libre.
Enfin, la communauté a besoin d’intégrer à sa démarche de développement la notion de diversité, surtout les gros projets. S’ils se veulent utilisables par tous et si la liberté 0 ne se limite pas à celle d’exécuter, ils doivent veiller à rendre leur logiciel accessible. pour tester, il y a assez de communautés accessibilité (Ubuntu, Debian, libreoffice, gnome, et pleins d’autres). C’est plus une question de démarche à revoir que d’efforts surhumains à faire: l’accessibilité n’exige pas un travail énorme, juste une démarche qui en tient compte à chaque étape.

Sinon content qu’elle se rajeunisse meme si on la voit se désépaissir un peu, surtout à l’occasion d’événements comme les RMLLs ou autres. Mais c’est aussi signe d’évolutions dans la communication: on est moins isolé qu’à l’époque où ces événements sont nés.

> Comment voyez-vous l’avenir de Gnu Linux et du libre en général ? (évolution plutôt critiquée d’Ubuntu, fin du support de XP, prism et la NSA, crise et besoin d’économies)

Pour moi le libre vit, à horizon 2014-2020, une étape absolument décisive. Ceci car l’informatique est sur une période transitoire forte: avec la fin de XP, le changement sera presqu’obligatoire. Seulement… vers quoi? On prend doucement conscience des risques du privateur pour la vie privée (ANSA, PRISM, etc.). Reste à savoir si ce sera assez pour faire basculer les sociétés: soit on ira vers du GNU/Linux, libre, soutenu et innovant; soit on va s’enfermer dans des OS opposés (ceux d’Apple, les futures tablettes diverses et variées). L’avenir annonce d’énormes changements, mais difficile de savoir de quel coté. C’est pour ça que le libre a intérêt à intégrer des changements aussi forts de paradigme que la tablette et que je soutiens Firefox OS.
Quant à Ubuntu, je trouve la communauté injuste avec eux. Certes, il est important d’alerter sur certaines de leurs pratiques (comme la transmission des recherches à Amayon, etc.). Ca protège des déviances et c’est garant de l’esprit du libre. Pour autant ne rejetons pas tout! Historiquement, le rôle d’Ubuntu dans le « portage » de GNU/Linux au grand public et postes de travail est considérable! Qu’était GNU/Linux pour le public avant Ubuntu? Rien. Aujourd’hui, beaucoup en ont entendu parler. Enfin, Ubuntu va au bout de sa philosophie et offre un cadre intéressant pour le développement de paquets accessibles à tous, ce qui me semble + proche du logiciel libre au sens éthique que des projets dits GPL où la liberté d’exécuter s’applique à tous ceux qui en ont les moyens.
Et j’ajouterais qu’Ubuntu, ils vont générer de l’argent, réinvesti dans le libre peut-on espérer. C’est autant d’impulsions dont le libre doit savoir tirer parti alors que bien d’autres sont mortes (disparition de Sun, retrait d’Oracle de projets libres).

> Le mot de la fin, pour donner envie de rejoindre le mouvement du libre ?

Le libre a une importance cruciale si on veut éviter que notre monde devienne ce qu’il semble inéluctablement devenir: 1984 d’Orwell. C’est la seule alternative contre cette issue, du fait du poids colossal du numérique et du contexte sociétal actuel dans le monde. Donc ceux qui veulent un monde où on peut vivre et parler librement, innovant et pluriel, devraient soutenir le libre (en contribuant, en utilisant, en finançant). Dans le contexte actuel du numérique et du politique, toute démocratie digne de ce mot devrait opter pour le libre ouvertement. C’est le projet le plus proche des valeurs fondatrices « liberté, égalité, fraternité ».

> Merci beaucoup d’avoir accepté de répondre à cette petite interview.

Avec plaisir!

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