> Bonjour, tout d'abord, présentez-vous un peu.
Bonjour, côté état civil, j’ai 45 ans, marié, deux enfants et un lapin 🙂 J’ai une formation d’ingénieur en informatique. J’ai travaillé en société de services, dans l’édition de logiciel et j’ai également été responsable informatique. J’ai un peu fait tous les métiers ou presque de l’informatique. Je suis plutôt un généraliste, il n’y a pas vraiment de sujet que je ne puisse pas aborder.
Je dirige une petite société nommée Open-DSI qui propose de faciliter la vie aux dirigeants des petites en moyennes entreprises en leur apportant les compétences d’un responsable informatique qu’elles n’ont très souvent pas en interne. En gros, notre objectif est de les aider ponctuellement ou dans la durée à mettre au clair leurs besoins, étudier et trouver les solutions qui peuvent y répondre ainsi que les prestataires qui pourront les mettre en place. Nous sommes un peu des couteaux suisses du numérique :-).
> Comment avez-vous découvert les logiciels libres ? C’était il y a longtemps ?
En 2003 très précisément avec le CMS SPIP. Je cherchais une solution pour mettre en place un intranet. Il devait être utilisable pour des non-informaticiens pour la saisie des contenus. De fil en aiguille, j’ai découvert les distributions GNU/Linux en commençant par une Red hat 8, puis Debian 3, Fedora, Ubuntu 8, etc… Je me suis ensuite intéressé à ce qu’il y avait derrière, l’éthique, le fonctionnement des communautés, puis les aspects économiques de ce modèle.
> Qu’est-ce qui vous a plus et qui vous a donné envie de vous impliquer ?
Le principe du partage de la connaissance m’a en premier séduit. L’existence de solutions permettant d’envisager un usage en milieu professionnel avec les avantages que cela procure en terme d’indépendance.
> Vous venez de publier un livre sur les logiciels libres pour les TPE. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?
Le manque de visibilité des logiciels libres et des prestataires qui peuvent aider à leur mise en place ainsi que l’éparpillement des documentations est un obstacle à une utilisation plus large des logiciels libres. C’est d’ailleurs une problématique qui apparaît clairement dans la dernière enquête du CNLL auprès des entreprises de services du numérique libre. Elles considèrent que le marketing et le manque de connaissance constituent à 68% et 65% respectivement des freins au développement du logiciel libre.
La langue est aussi une barrière. Certains logiciels ne proposent que des documentations en anglais. Ce qui, dans un pays comme le nôtre, est souvent un obstacle rédhibitoire. Le livre rassemble tout en un seul lieu : logiciels et documentations. Plus la peine de chercher !
Ce guide s’adresse aux TPE, car elles sont à la fois le terreau des futures grandes entreprises, mais aussi une cible pour qui les logiciels libres représentent une opportunité tout à fait pertinente.
Allez sur le site du livre.
> Avec votre expérience du libre pour les entreprises, pourriez-vous nous dire ce qui marche (logiciels, technologies), et quels sont leur besoins ?
Aujourd’hui la majorité des besoins « traditionnels » des entreprises peuvent être couvert avec des logiciels libres ou open source. Il reste néanmoins les aspects plus spécifiquement métier de certains secteurs d’activité qui restent encore à conquérir. Mais s’agissant souvent de marché de niches, il est plus difficile au logiciel libre d’y répondre. Pour ce qui est des besoins en messagerie collaborative ou encore de gestion d’entreprises, partage de fichiers, etc.. Il existe désormais de nombreuses solutions matures.
Le besoin principal des entreprises est surtout d’être accompagné et rassuré par la présence de prestataires de services.
> Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Pleins 🙂 Un peu trop d’ailleurs. Je continue d’affiner le modèle de ma société tout en continuant de participer à des initiatives innovantes en terme d’usages (et à base de logiciels libres évidemment) comme celles de Meza|Lab. Je participe aussi au Ploss Rhône-Alpes où nous essayons de mettre en place un Pôle d’innovation en matériels et logiciels libres.
Bien sûr si cette première édition du livre fonctionne bien, il y aura une mise à jour, car les logiciels évoluent tout le temps, et d’autres déclinaisons destinées à d’autres cibles comme les associations par exemple.
> Comment voyez-vous l’avenir du logiciel libre, les points forts et les choses à améliorer ?
Je suis inquiet pour l’avenir des « VRAIS » logiciels libres. Les géants de l’industrie, Google, Amazon, Facebook, etc.. utilisent abondamment le logiciel libre, mais pour produire des services qui au final n’ont plus aucun lien avec l’éthique initiale des outils sur lesquels ils reposent. Beaucoup de développeurs de logiciels libres contribuent volontairement ou involontairement à l’existence de ces monstres numériques. Ces derniers entraînent notre société vers des modèles de fonctionnement quasi totalitaire où seuls quelques-uns tireront tous les avantages de la situation. Ce phénomène est en marche. Des gourous du numérique comme Jaron Lanier ont fait leur « coming out » reconnaissant s’être trompé. Le logiciel libre est massivement utilisé à des fins qui n’ont rien de très sympathique au final.
Il est temps que se lève une alternative à ce modèle sans quoi nous finirons tous notés avec des étiquettes numériques sur le front comme de vulgaires produits de supermarchés.
Pour moi la solution passe par les utilisateurs. C’est à eux désormais de prendre en main l’avenir du logiciel libre. Il faut que les développeurs de projets libres leur donnent la main sur la roadmap des logiciels et se mettent à leur service. Certains ont commencé à le faire et ce sont des modèles particulièrement stables, car les utilisateurs sont alors bien plus motivés pour financer. C’est ce que François Elie dans son livre sur l’économie du logiciel libre appelle la mutualisation de la demande.
> Le mot de la fin, pour donner envie de rejoindre le mouvement du libre ?
Les utilisateurs doivent comprendre que pour obtenir tous les gains du logiciel libre, ils doivent en être acteurs. Pour leur donner envie, il n’y a pas trente-six solutions. Il faut des logiciels bien finis, qui répondent aux besoins et sur lesquels on puisse facilement se former et être accompagné. Cela demande une certaine cohérence dans la démarche. C’est ce que font les entreprises du Numérique libre en se regroupant au sein du CNLL. Pour l’instant la communauté « non marchande » du libre s’y refuse par principe. C’est un frein, car elle reste « inaudible » du grand public ainsi.
> Merci beaucoup d’avoir accepté de répondre à cette petite interview.
C’est moi, merci beaucoup !