Bonjour à eelo

eelo

Un nouveau projet visant à libérer les utilisateurs des géants du net qui vivent en utilisant nos données personnelles vient de voir le jour. Dites bonjour à eelo, initié par Gaël Duval (pour les anciens, c’est le créateur de Mandrake ;-).

Il a gentiment accepté (et je le remercie) de nous expliquer son projet, le pourquoi, le comment. Découvrons-donc eelo.

 

> Bonjour Gaël Duval, expliquez-nous un peu ce nouveau projet, eelo. D’où vient-il et pourquoi ?

eelo part d’une démarche totalement personnelle qui est similaire à celle que j’ai eue en 1998 pour proposer une alternative à Windows sur base Linux, avec Mandrake.

Aujourd’hui, je m’aperçois à quel point mes données personnelles fuient partout dans le cloud : j’utilise comme beaucoup Google, Facebook… tous ces services des GAFAMs qui nous font croire qu’ils sont gentils en étant gratuits alors que leur business-model repose précisement sur l’exploitation de nos données personnelles. C’est l’utilisateur qui devient le produit monnayé : testez une campagne Adwords ou Facebook Ads et vous comprendrez vite ce que je veux dire.

Par ailleurs, je suis passé à MacOS pour plusieurs raisons, essentiellement professionnelles, et j’utilise un iPhone depuis 10 ans. Et je réalise qu’Apple, non seulement me prend beaucoup d’argent, certes avec des produits assez cools mais qui ne m’offrent aucune garantie sur mes datas et l’utilisation qui en est faite. Par exemple tous les jours Apple sait où je suis, si je fais de l’exercice ou pas, etc. Mon Apple Watch monitore mon rythme cardiaque en permanence, et tout ça est envoyé
dans le cloud Apple qui peut les utiliser gratuitement pour créer de la valeur ajoutée. Au passage ce sont des données de santé qui relèvent d’une régulation très stricte. Est-ce qu’Apple respecte notre législation sur l’hébergement des données de santé ? Comme l’a montré Olivier Iteanu dans son ouvrage « quand le digital défie l’État de droit », les GAFAM ont tendance à faire passer leurs conditions générales d’utilisation avant tout. Ultra complexes, elles découragent d’essayer de trop comprendre. Et si elles sont supposées être compatibles juridiquement avec la loi, plusieurs cas de condamnation montrent que ce n’est pas toujours le cas (https://www.cnil.fr/fr/facebook-sanctionne-pour-de-nombreux-manquements-la-loi-informatique-et-libertes http://www.zdnet.fr/actualites/vie-privee-la-cnil-condamne-google-a-150-000-euros-d-amende-39796886.htm http://www.lepoint.fr/high-tech-internet/google-condamne-par-la-cnil-a-une-amende-record-21-03-2011-1309237_47.php http://www.lemonde.fr/pixels/article/2016/07/20/la-cnil-met-microsoft-en-demeure-de-se-conformer-a-la-loi-concernant-windows-10_4972451_4408996.html ).

Je passe par ailleurs sur le fait que toutes ces sociétés sont américaines et que la loi américaine permet aux agences de renseignement d’accéder à ces données en cas de besoin.

Tout ceci c’est de l’asservissement global qui repose sur une mécanique psychologique du confort paresseux. Souvent quand je discute de ce sujet on me dit « Oui mais je n’ai rien fait de mal donc peu importe que ces sociétés connaissent tous mes faits et gestes. Et c’est super confortable d’utiliser Google et Apple ». Et c’est vrai. C’est se faire violence de refuser tout cette allégeance volontaire. C’est un effort intellectuel, c’est très inconfortable. Mais c’est le prix de sa liberté.

Bref, j’ai donc décidé, à titre personnel d’arrêter d’utiliser Apple, Google et Facebook. C’est une quête qui prendra probablement un peu de temps.

> Les alternatives libres existent, non ? Sont-elles aussi fonctionnelles et simples à utiliser ?

En effet, quand je fais le tour de ce qui existe en solutions plus saines, c’est tout de suite un peu compliqué. Personnellement je n’aime pas beaucoup Android, pour deux raisons : l’interface utilisateur est assez horrible et désagréable à mon goût. Et passer de App Store à Google Play Store ça n’a rien d’un progrès.

Pour les services en ligne, je n’avais rien trouvé de satisfaisant non plus qui permette de remplacer google drive et google docs.

Et puis finalement, on voit des initiatives open source parfois très abouties, parfois moins, qui arrivent. Par exemple LineageOS qui est un fork d’Android est assez intéressant et pas si difficile à hacker. CollaboraOffice et OnlyOffice sont également des alternatives qui deviennent crédibles et elles sont open source.

> Il faut donc se mobiliser afin d’améliorer l’existant ? Que eelo puisse être utile à tous ?

Je sais qu’avec un peu d’huile dans les rouages, un peu de dev, on peut déjà arriver à quelque chose d’intéressant, même si peut-être un peu « geek » au départ.

Et j’ai de bons retours sur ces questions, suite à différents articles que j’ai postés sur mon site perso.
Pourquoi dans ce cas ne pas faire profiter de mon projet aux autres qui souhaitent aussi trouver des produits et services numériques plus sains ? J’ai donc décidé de transformer ce projet perso en un projet plus ouvert, un peu plus ambitieux, c’est eelo.

> Y a-t-il un busines model derrière eelo ? Commet va-t-il fonctionner ?

J’envisage un support à but non lucratif car je sais qu’il est impossible pour un tel projet de trouver un business model viable qui reposerait uniquement sur de la vente de produits et services. Car en face, on a déjà la concurrence déloyale des services (faussement) gratuits. Je pense à un business-model mixte reposant sur quelques services à valeur ajoutée (sans doute orientés vers le monde de l’entreprise), mais aussi à terme sur des dons, de particuliers, d’entreprises, d’agences publiques qui pensent que le projet mérite d’être soutenu car il va dans l’intérêt général. Ceci permettrait de proposer des services gratuits
(et sans pub !), étant donné le faible coût aujourd’hui de l’hébergement internet et des connexions haut débit.

J’explore donc les options possibles pour eelo, et en parallèle je commence à travailler sur une petite campagne de crowdfunding pour tester l’intérêt du public et trouver quelques ressources pour financer un développeur et des premiers services.

> Comment voyez-vous l’avenir du projet ?

L’idée serait à terme d’avoir une association d’intérêt public, voire une fondation, qui pourrait à la fois héberger les actifs et garantir leur pérennité, dans l’intérêt du public, et d’autre part pourrait commercialiser des smartphones eelo, et quelques services à valeur ajoutée auprès des entreprises, dans le domaine de la vie privée numérique et de la sécurité.

 

> Merci beaucoup, et bonne chance à eelo qui va être vraiment utile à tous.

2 commentaires sur “Bonjour à eelo

  1. Merci de nous faire partager l’interview de Gael Duval,cela me rappelle mais premières sorties aux solutions Linux à la Défense où j’avais acheté la Mandriva 2005, j’avais « tâté » la Mandrake avant.
    Bon cela commence à dater maintenant.
    A pluche.

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